Quand on s’intéresse à la vie et à la santé des abeilles, notre regard évolue.
Lors de promenades, en campagne ou en ville, notre œil est spontanément attiré par des détails que nous négligions jusqu’alors.
Ainsi, lorsque nous voyons de belles fleurs comme celle de cet hibiscus :
inévitablement, nous nous demandons pourquoi elle semble délaissée par nos abeilles.
Pourtant elle est appréciée par d’autres, comme cette petite abeille sauvage qui se couvre de son pollen :
Les pois de senteurs ne sont jamais visités par nos abeilles alors que l’abeille charpentière s’en délecte (voir article 16 – « L’abeille charpentière » http://miel-et-abeilles-en-touraine.over-blog.com/article-16-l-abeille-charpentiere-53556083.html ).
C’est aussi le cas des orpins appréciés des bourdons et des papillons. (Sauf qu'en 2016, avec la sécheresse, les abeilles sont aussi venues sur les orpins)
Les exemples pourraient être nombreux, sans parler des grandes cultures où les traitements phytosanitaires peuvent éloigner tout le monde.
Est-ce que le pollen ou le nectar de certaines plantes serait considéré comme mauvais ou inintéressant par nos abeilles ?
C’est probable, mais l’instinct animal n’est pas toujours une valeur sûre : le pollen de certains tilleuls pourrait être toxique et pourtant les abeilles le butine. Ainsi l’âne d’un ami, échappé de son enclos, qui est mort brutalement après avoir mangé avec plaisir quelques brindilles d’un if.
Par contre, la morphologie de l’insecte et surtout la longueur de sa langue (ou proboscis : terme désignant l’ensemble des pièces buccales mobiles de l’abeille. Il désigne aussi la trompe de l’éléphant et d’autres animaux) sont primordiales dans le choix des fleurs visitées : il faut que fleur et insecte soient en adéquation.
Mais aussi, de par leur vie en colonie, nos abeilles sont actives toute l’année alors que la plupart des abeilles sauvages sont solitaires et hibernent. Par conséquent, elles doivent stocker de grandes quantités de nourriture (pollen et miel) et se concentrent donc sur les sources d’approvisionnement les plus importantes du moment. Elles les exploiteront même électivement jusqu’à épuisement de la source en se passant le mot dans la ruche (voir article 56 – « Pourquoi cette abeille danse-t-elle en rond ? » http://miel-et-abeilles-en-touraine.over-blog.com/article-56-pourquoi-cette-abeille-danse-en-rond-118963787.html ).
Il faut donc que la plante produise un nectar attractif (bien sucré), en quantité et accessible à sa langue, et qu’elle soit, de préférence, largement représentée dans l’environnement proche de la ruche.
Le pollen de nombreuses plantes n’intéresse pas nos abeilles mellifères, ce qui montre l’importance des abeilles sauvages et des autres pollinisateurs.
Si cette année nous venons de faire une belle récolte de poires
alors que le printemps très froid cantonnait nos abeilles dans les ruches, nous la devons probablement aux bourdons qui butinent à des températures basses et pollinisent les fruitiers.
(Ici sur un orpin car en octobre les poiriers ne sont pas en fleurs !)
(Pour plus d’information sur la pollinisation voir article 19 - « Les abeilles au jardin » http://miel-et-abeilles-en-touraine.over-blog.com/article-19-les-abeilles-au-jardin-56789371.html )
Les milliers d’espèces d’abeilles sauvages et les autres insectes pollinisateurs sont donc essentiels à la fructification et à la sauvegarde de la biodiversité.
Voir à ce sujet l’article de Jean-Jacques dans son blog : http://apijj67.canalblog.com/archives/2013/03/31/26785077.html
et l’article de La Recherche : http://www.larecherche.fr/savoirs/environnement/meme-abeilles-sauvages-declinent-01-12-2009-87693
Cela m’amène à plusieurs réflexions :
Comme se le demandait une spectatrice, lors de la projection du documentaire « Des abeilles et des hommes » à Château-Renault, qui avait bien entendu que l’abeille « domestique » n’avait été introduite que récemment en Amérique du Nord : comment la végétation a-t-elle pu s’y développer alors que dans le même documentaire on reprend la fameuse phrase attribuée (faussement ?) à Einstein qui prétend que si l’abeille disparaît, l’humanité en a pour quatre ans à vivre.
Peut-être cette phrase serait-elle un peu plus juste si elle liait l’avenir de l’Homme, ou plutôt de la biodiversité, à l’avenir de toutes les espèces d’abeilles.
Mais alors, si ce sont les abeilles sauvages qui pollinisent le plus de végétaux, peut-on cesser de nous soucier des problèmes de santé de l’abeille mellifère ? Sûrement pas, car la plupart de ses problèmes sont aussi ceux des abeilles sauvages mais on en parle moins, car moins visibles et moins étudiés.
Notre abeille reste donc un bon sujet d’observation, de préoccupation et d’étude. Des ruches qui meurent et une production de miel globalement en baisse : ça se voit et se mesure facilement (face émergée de l’iceberg ?).
Cependant, certains problèmes peuvent être spécifiques à notre abeille en lien avec sa vie en colonie ou avec une apiculture intensive.
Une apiculture intensive avec un nombre de ruches trop important sur un même lieu, peut aussi venir concurrencer les abeilles sauvages et les priver des ressources nécessaires à leur survie.
Mais paradoxalement, une apiculture intensive va aussi venir au secours d’une agriculture intensive qui a détruit tous les pollinisateurs sauvages comme c’est le cas dans la culture des amandiers aux États-Unis.
Des arboriculteurs français font aussi appel à des apiculteurs pour faire polliniser rapidement leurs arbres entre des traitements rapprochés.
Plutôt que de compter sur une apiculture intensive, ne serait-il pas plus utile de se concentrer sur l’origine du problème du manque de pollinisateurs en général?
En parlant de traitement : pour obtenir les belles poires vues ci-dessus je n’ai fait que deux passages de bouillie bordelaise (à l’automne: à la chute des feuilles, et au printemps: avant la floraison) et une pulvérisation d’huile blanche en fin d’hiver. C’est tout et ce n’était, peut-être, même pas nécessaire !
Belles poires, mais à condition de les récolter avant que les frelons ne les aient toutes entamées.
Ici c’est notre bon gros frelon européen, que je trouve plus sympathique depuis que le frelon asiatique est arrivé en Touraine :
Merci de votre attention, et … à bientôt sur :
http://miel-et-abeilles-en-touraine.over-blog.com
Henri
(Remerciements et Bibliographie : voir l’article n° 0 http://miel-et-abeilles-en-touraine.over-blog.com/article-0-remerciements-et-bibliographie-43600752.html )