La question à peine posée, vous êtes déjà capables d’y répondre car c’est une expérience que vous vivez régulièrement.
Vous avez depuis longtemps deviné, qu’enfumer signifie envoyer une information fumeuse (c’est-à-dire à moitié vraie ou à moitié fausse) à une masse d’individus que l’on veut manipuler tranquillement.
La fumée déclenche chez l’abeille la peur instinctive et ancestrale de l’incendie qui vient menacer son site d’habitation. Ce stress amène la colonie à se gorger de miel avant de fuir le lieu menacé par le feu car pas question pour elles de partir le ventre vide !
Donc l’apiculteur enfume la ruche, provoque ainsi un stress et les abeilles vont instinctivement consommer du miel, ce qui va les calmer. Consommer agit comme un calmant, c’est bien connu.
De plus, pendant qu’elles se gorgent de miel, chacune dans sa petite alvéole, elles ne sont plus suffisamment solidaires pour attaquer, se rebiffer, défiler dans les rues …pardon, je m’égare.
Enfin, une société (je veux dire une colonie) enfumée et paniquée se regroupe autour de sa reine (parce que chez les abeilles, c’est une femme) et devient alors manipulable.
Parce que la fumée inhibe le réflexe d’attaque des gardiennes et les met en position défensive, une fois bien enfumées, on peut tout leur faire : les délocaliser, leur administrer des traitements sanitaires, réaliser fusions et autres restructurations et bien sûr, prélever leurs économies (enfin, leur miel) !
Et comme on est chez les abeilles et, que l’homme est très fort quand il s’en prend à plus petit que lui (enfin, qu’il croit), il peut même sous l’effet de l’enfumage leur changer de reine avant la fin de son mandat s’il ne la trouve pas assez bonne ou inefficace.( Non, non, ne rêvez pas !)
Voilà donc pourquoi, on enfume….les abeilles.
Mais ne vous y trompez pas, ce n’est pas si facile que ça de se servir de l’enfumoir ! Même que la préparation de l’enfumoir et son utilisation demeurent une source de discorde permanente au sein du couple d’apiculteurs. « T’enfumes trop, pas assez, y-a plus de fumée, tu m’en mets plein les naseaux….. » bref, pour tout vous dire, l’enfumoir demeure le seul truc qui ait réussi à déclencher une scène de ménage en 20 ans de mariage !
Arrêtons là le délire et regardons plus sérieusement comment on s’y prend.
Pour allumer l’enfumoir : les vieux manuels d’apiculture, regorgent de recettes toutes aussi fumeuses les unes que les autres : vieux chiffons, bois pourri, papier gris, sacs à patates et même des bouses de vache desséchées.
En raison de la raréfaction des sacs à patates en jute et peut-être aussi en raison de nos préoccupations écologiques, nous avons opté pour des combustibles un peu plus doux à nos naseaux et à nos abeilles.
Pour lancer le feu au fond de l’enfumoir, nous utilisons les tiges et les fleurs séchées puis coupées des lavandes de notre jardin.
Nous y mettons le feu avec un calumet, recouvrons encore d’une petite couche de lavande puis bourrons l’enfumoir avec des granulés de lavande compressée (en vente chez notre partenaire, « La Route d’Or »).
Nous attisons le feu avec le soufflet. Les granulés vont se consumer tranquillement en libérant une fumée blanche, quasiment froide qui ne risque pas de brûler les abeilles.
Avant d’ouvrir une ruche, nous prévenons de notre intrusion en l’enfumant à petits coups répétés à la portière. Très vite, nous entendons le bruissement caractéristique de la colonie qui va gagner les alvéoles de provisions de miel afin de s’en gorger.
La fumée, peut-être encore plus avec la fumée de lavande, les calme et nous pouvons ouvrir en vue d'intervenir.
Selon ce que l’on souhaite faire, nous enfumons par le bas de la ruche pour les faire monter (afin de nettoyer le plancher par exemple) ou par le haut pour les faire descendre (afin de prélever les cadres de miel des hausses par exemple).
Comme nous avons deux ruchers éloignés de 10km l’un de l’autre, la gageure consiste à faire fumer l’enfumoir d’un bout à l’autre, sans avoir à le rallumer.
D’après vous, c’est qui qui se fait houspiller quand, à l’avant- dernière ruche à visiter il n’y a plus de fumée pour contenir les foules ? Et que celles-ci qui ont compris le pouvoir qu’elles détiennent en s’envolant, bourdonnant (bref, en nous stressant à notre tour), vont aller ameuter les autres colonies du rucher. Car c’est bien connu, une manif, ça marche si on est beaucoup !
Dès lors que l’apiculteur n’a pas ou peu de fumée pour les leurrer et les calmer, elles ont le dessus et ce n’est plus lui qui gouverne ! (Toute similitude avec des faits réels ne pourrait être que fortuite…)
Alors, pour éviter la panne de fumée, cause de scène de ménage au rucher et à la ville , le Père Noël a tout prévu : il a apporté un enfumoir tout neuf, encore plus grand, avec un soufflet (made in USA) encore plus performant, bref, un vrai enfumoir de pro, que je suis bien impatiente d’essayer au plus vite. Merci Père Noël !
Merci de votre attention et …
… à bientôt sur http://miel-et-abeilles-en-touraine.over-blog.com
Marie-France
(Remerciements et Bibliographie : voir l’article n° 0 http://miel-et-abeilles-en-touraine.over-blog.com/article-0-remerciements-et-bibliographie-43600752.html )